Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

31 janv. 2010

Les lunettes

Elle nous regarde. Nous sommes couchés sur le lit, nous essayons d'avoir la paix. Elle approche son visage des notres. Elle aime nous voir les deux en même temps, son regard passe de l'un à l'autre, elle rit comme elle fait, la bouche grande ouverte la tête en arrière. Elle dit «Billie pas de lunettes», elle le prouve en se pinçant le dessous des yeux pour y enlever ce qui n'y est pas. Pas encore.

21 janv. 2010

le titre et le goût

Je prépare quelque chose, quelque chose à quoi je ne trouve pas de titre. Quelque chose que je ne peux pas commencer donc. Je souffle je sautille je m'échauffe devant la porte fermée du projet. En attendant, je suis assise à la table de la cuisine je cherche des titres que je rature. J'aime parfois une minute, la main presque va commencer, couper le ruban et entrer. Mais je retiens mon geste et j'ai raison, la minute d'après je n'aime plus. Mon fils vient jouer à côté de moi avec une fausse DS dollarama, un jeu cheap électronique en forme de cellulaire qui défile un tetris avec des pouits sonores. Il joue à jouer, concentré hypocrite, un regard parfois glissé de derrière son petit jeu de plastique. J'ai des problèmes de titres mais je ne suis pas aveugle. Il se rapproche, je me déconcentre. Bon. Tu me le montres ton jeu?

19 janv. 2010

La une

Le 18 Le Monde n'en fit plus sa une; le 19 c'est le New York Times qui se détourna un peu.
La politique intérieure reprend le dessus. Au Canada, je ne sais pas, je ne lis pas les journaux canadiens. Les oreilles des enfants sont grandes comme ça quand nous en parlons mais ne posent pas de questions, les images par les mots évoquées ne rentrent pas dans leur quotidien.
J'ai eu envie de boire beaucoup et de manger souvent pour compenser toute cette angoisse en béton armé.

6 janv. 2010

Le courant

Installons une lumière vacillante par pièce utile : une dans chaque chambre, une dans la salle de bain... pas la cuisine ? non on sort de table! La cuisine reste dans le noir, éclairée assez par la lumière du dehors que la neige diffuse. Attendons le courant qui ne revient pas, éteignons ce que nous pensons allumé s'il revient et que nous dormons. Et comme nous nous abrillons en conspirateurs dans cette calme cabane, tout à coup tout est de nouveau déjà là. Nos yeux surpris, et le frigo et l'imprimante et l'ordinateur et le radio réveil reprennent leurs droits, tout cliquetant d'indignation.

La panne

Après coup j'ai oublié ce que j'étais en train de faire. Quel geste la noirceur avait arrêté. C'est moi qui ai sorti les bougies je suis assise en face du tiroir où nous les rangeons, ma main n'a pas eu beaucoup de chemin à faire. J'ai aussi trouvé le briquet, je suis la seule qui fume, encore un peu encore assez pour me souvenir la main dessus - déjà - voici le briquet. Une à une j'ai allumé les bougies et les visages des enfants à hauteur de mes coudes le regard fixe. À la troisième il a compris que la quatrième n'y changerai plus grand chose. J'ai continué et je me suis souvenue de Goethe qui dans son théâtre réclamait « de la lumière, plus de lumière » quand plutôt l'ombre lui manquait.