Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

28 avr. 2011

Analogie

Elle découvre Star Wars derrière son frère. Elle déplace le sens des actions et des personnages de la série galactique dans sa propre cosmogonie. Ainsi le droïde R2D2 devient lardeuxD2 petit fétiche de plastique qu'elle fait voler au-dessus de sa tête.

24 avr. 2011

Le moins

- Si je pouvais... mais je n'ai pas d'argent, on n'a pas d'argent, pas une cen', rien dans mes poches.
Nous marchons entre les rayons d'un magasin de jouets, une vieille promesse que nous avons finit par tenir lâcher sous l'usure de la demande. Je marche dans les rayons ma fille restée fixée devant des poupées blondes son frère accroupi avec son père qui détaillent le contenu d'une petite boîte de légo. Mon œil ne se fixe sur rien. J'écoute un autre père et son fils, il est jeune il parle fort l'enfant a 6 ans. Ce que dit le père rebondit contre les rayons colorés et fracture l'espace d'achat de sombres petits éclats sonores. Il dit qu'il n'a pas d'argent. Il dit qu'il ne peut rien acheter, non pas même cette épée à 10 dollars cinquante. Il le dit autant à nous qu'à son fils à qui je voudrais dire sors, sors. L'enfant silencieux glisse ses mains sur les rayons, retenues par la rengaine de son père : j'ai pas d'argent, on n'a pas d'argent, si j'avais ...je sais pas... 1000$ ... je t'en achèterai des choses.
Nos enfants ont choisi, deux cadeaux à presque 20$ chaque. Je paye nous sortons, derrière nous l'enfant et son père restent encore à soupeser.

12 avr. 2011

Le ralenti

Sous la pluie la femme policier replie la couverture de survie qui attrape la lumière des gyrophares. La jeune femme porte un unique gilet pare-balles sur sa chemise bleue claire boutonnée haut. Ses gestes sont précis indifférents à ce qui tombe du ciel. Une ambulance et plusieurs voitures de police sont stationnées entre deux cordons de sécurité orange que protègent encore deux voitures de police pour bloquer ce segment d'avenue. Il pleut il fait nuit je roule au ralenti dans le sens inverse. Des hommes des femmes s'affairent : l'un accroupi referme les rabats d'un sac de matériel, il se lève et marche vers l'ambulance. Deux autres replient une civière, plusieurs forment un groupe serré, conciliabule. Je tourne après le barrage sur ma gauche pour rejoindre mon bureau. Une voiture dans l'autre sens veut forcer le cordon et attend qu'on lève l'obstacle devant son impérieuse volonté dont témoigne son clignotant. Le policier assis dans la voiture qui fait barrage ouvre sa portière et sans descendre adresse au chauffeur un geste écoeuré dont je pourrais sous-titrer toute l'incompréhension lasse. En gros et pour le dire poli «Qu'est-ce tu crois que tu fais, là?»
Je longe la track de chemin de fer, bientôt arrivent des phares dans mon rétroviseur, c'est l'ambulance que je viens de croiser. Elle roule patiemment derrière moi qui ne vais pas vite. Aucune des lumières qui signalent habituellement son urgence n'est allumée. Sans doute que ça n'est plus la peine.

3 avr. 2011

Le bois

Nous pédalons entre deux rangées de bois serrés troués régulièrement par un terrain dégagé autour d'une maison proprette ou délabrée et hostile. Nous craignons les chiens qui surgissent des propriétés; la plupart sont attachés et aboient au bout de leur chaîne. Nous accélérons pour quitter leur territoire, ne pas tirer trop sur la corde qui les retient. Mais d'autres sont libres ils s'élancent sur la route au devant de nos roues. La peur me galvanise, ma fille contre mon dos terrifiée cache ses yeux sous son casque. Je crie d'une voix forte «couché le chien» je crie plus fort en direction de la maison «rappelez votre chien». Les maisons les portes et les fenêtres restent muettes. Ces bois sont l'arrière-pays du Québec, une nature dure frontale qui ne reconnaît que les siens.