Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

28 nov. 2008

La radio

Quand il dit «oui» on entend oui , un oui qui ne dit rien d'autre, qui a finit une fois qu'est dit.
Comme on n'a pas l'habitude d'entendre parler comme ça, comme ça frappe. Sa voix aussi a quelque chose qui marque, en matière, elle a l'air de traverser un grand espace de poil et de souffle. Nous écoutons debout dans la cuisine et ça nous vient de loin. Nos voix à nous ont l'habileté des urbains, c'est pas pareil, c'est plus poudré, qu'y pouvons-nous.

19 nov. 2008

La reprise

La cagoule passe encore, la combinaison laborieuse mais nous l'enfilons. Les bottes la révoltent. Elle s'enfuit en se retournant, je pense à un film. Rattrapée, elle est chaussée, relâchée elle se jette sur le sol en hurlant. Se redresse en pleurs, défie courageuse ses pieds méconnaissables. Dans ces conditions, nous n'insistons pas. Je râle, cette chance qu'on refuse, et range au placard les bottes neuves et fourrées. Elle accepte des baskets trop grandes que son frère portait. Elle fait plac plac plac en marchant plat.

17 nov. 2008

Fin de session

L'économie des gestes

Les places sont fixées, je suis assise entre ma fille et mon fils en face de mon mari. Ma fille mange seule et sans regarder à la dépense. Je rattrape au passage ce qu'elle ne veut plus, j'esquive ses mains aux couleurs du repas. Je parle et j'écoute. Je regarde mon mari, le partage de ses gestes. La table nous constitue autour d'elle, penchés comme sur une maquette, je nous vois au travail. Je sors ma fille de sa chaise, elle dit «oh ohhhh» et apprécie avec moi l'étendue des dégâts. Son frère se penche sous la table et dit « y en a pas tant que ça !». Nous convenons d'un progrès. Il faudra après le repas frotter sa chaise et le sol, que je balaierai ensuite, absorbée consciencieuse.

12 nov. 2008

Parc avenue

L'avenue du parc en face de la montagne avec sa descente sur les tours me convainc toujours d'être là. Ce soir particulièrement, la lune très nette dans le ciel que le froid agrandit encore lui donne des airs de canyon. Cette avenue je la prend souvent je la connais très bien. Elle est mon avenue efficace par où je file rapide vers les enfants. Elle reste celle de mon dépaysement.

6 nov. 2008

Circonflexe

Elle a un nouveau poupon. Elle lui voue des excès, elle se jette sur lui, elle lui mange le visage. Elle le traîne par la jambe, elle lui parle mal, l'abandonne. « Ah quand même », je me détourne un peu. Elle le redécouvre, elle a un élan, je suis là aussi. Elle chantonne, elle le berce en tirant sur les é de «bébé». Elle me regarde en souriant, je lui rend son sourire. Elle le tire, elle le pousse, elle le porte, je les suis. Étrange petit binôme, drôle de mise en abîme. Le soir, elle le prend en pleurant un peu, lasse même de ce si grand amour.

5 nov. 2008

YES WE CAN

et l'espoir, et la joie, et les larmes

3 nov. 2008

Le désordre

Nous sommes arrêtés à la lumière avant d'emprunter une bretelle d'autoroute. Les choses sont bien ordonnées et nous ne les voyons pas. Derrière nous résonne une sirène, je regarde dans le rétroviseur, un camion de pompiers débroussaille à grand bruit les automobiles sur son passage. Je m'empresse de libérer la voie et me mets de travers devant mon voisin d'à côté. Le camion passe et hulule son urgence. Il est parti. L'ordre qui veut déjà se réinstaller nous trouve tout mal mis au milieu de la route, un peu coupables de notre écart.

1 nov. 2008

La science infuse

- tu sais comment faire pour devenir un savant ?
- non et ça m'intéresse
- alors tu mets de l'eau dans un verre; tu regardes longtemps ; tes yeux ils grossissent un peu
(Coup d'oeil au rétroviseur , ses index et pouces entourent chacun de ses yeux qui regardent au travers. Il prend un air, l'air hagard du savant sans doute)
- oui
- et après si le lapin coule tu es un savant
- ?
- .
- ah ... c'est pour ça que c'est difficile d'être un savant
- oui il faut que le lapin coule