Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

26 avr. 2009

En différé

Le dessin il l'a fait dans l'après-midi. Il essaye de me le montrer mais je bataille avec sa sœur qui refuse. Il veut le montrer à son père qui téléphone alors ça ne se fait pas non plus. En nous couchant, nous le voyons, posé sur le meuble à tiroirs. Il y a quatre cases, et dans chaque case un bonhomme. Il y a les gentils à gauche qui sourient. À droite, les méchants, forcément qui font la gueule.

24 avr. 2009

Le macaron

Le moniteur distribue les certificats aux enfants autour de lui. Il a les mains encore mouillées, il cherche maladroitement le bon macaron de la bonne couleur qui indique le niveau. L'amie d'Eustache attrape le sien rouge pour le passage au niveau des plongeurs, mon fils un vert pour les glisseurs. Je ne peux retenir un « encore! » sonore.
Les enfants sont sous la douche, je suis seule au bord de l'eau incongrue toute habillée, le moniteur est perché en sauveteur. Je ne suis pas sûre de moi, je fais des petits signes vers lui en vain. « Je n'ai qu'à tomber à l'eau », je ne ris pas longtemps quand il m'avise le sourcil peu amène. Je fais le tour du bassin, j'attends au pied de sa chaise. Il descend lentement, me regarde sans politesse, je demande des explications. Il évoque de la distraction et clôt l'entretien en marmonant. Je monte à l'accueil, complote un peu et inscris mon fils en plongeur.
Le cours d'après, main sur le front - tête en arrière, le même moniteur s'occupe des plongeurs. J'accompagne à reculons mon fils qui saute dans l'eau sans en faire tout un plat. Je passe le cours intensément derrière la vitre, tendue attentive à chacun de ses godillages.
Nous sortons de la piscine épuisés mais heureux et plongeurs. L'avenue du Parc ensoleillée s'incline devant cette victoire incontestable.

22 avr. 2009

Hors programme

Je la prends dans mes bras, nous tournons la tête du même coté, j'écrase ma joue sur son nez maladroitement, nous rions un peu, nous nous serrons et tâtons nos côtes comme la sorcière qui ne trouve jamais les enfants assez gras à son goût. Nous travaillons ensemble depuis longtemps maintenant, elle me parle en italien comme à sa fille. Ce matin une mauvaise nouvelle l'accable, je cherche une position qui ne soit pas celle du travail. J'ai senti longtemps sur ma joue son grand nez qui s'écrase, la mollesse et les angles du contact de nos visages.

19 avr. 2009

Cela dit

Cela partirait un soir d'été en oubliant la routine. Cela descendrait vers le sud, une route à numéro, dans un wanabago pourquoi pas cela n'aurait plus peur des mots. Cela irait jusqu'en Californie, voir Monterey. Tout aurait changé, aussi la rue de la sardine qui n'a pas existé. Cela ne serait pas grave, cela vieillirait bien entre nos mains.

7 avr. 2009

Les touristes


Ils sont coincés hors-saison dans un hôtel désert. Ils n'ont plus d'argent et volent de la viande de grison au supermarché. Dans les couloirs, il y a des ouvriers qui font des travaux de réfection avant l'ouverture de la saison. Les hommes s'arrêtent de travailler quand ils passent dans le couloir. Ils sentent leurs yeux qui les suivent jusqu'à ce qu'ils aient fermé la porte de leur chambre. Ils sont venus faire un film, une commande, ils n'ont pas d'idée et plus d'argent. Certaines journées, ils partent marcher sur la ligne de crêtes pour échapper au panorama. D'autres, ils font les pitres sous les télésièges immobiles.

6 avr. 2009

L'actrice

Apprendre les marches

Il m'arrive dans les escaliers de perdre le principe de la marche. Je me rattrape à la rampe, me sauve de la chute. Mon cerveau a travaillé vite, je le sens à la chaleur qui m'envahit.
Ma fille apprend les escaliers, elle les monte seule, je suis derrière elle. Elle pose ses pieds et déplace sa main le long de la rampe. Elle découpe le travail avec grâce en même temps qu'elle placotte comme on passe le temps en pliant du linge.