Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

24 août 2009

L'intelligence

La route a été longue, encore plus maintenant que nous sommes perdus. Il faudrait demander notre chemin, surmonter cette timidité d'étrangers. Dans l'attente respective du courage de l'autre, nous scrutons indécis les alentours «peut-être par là ?». Il le fait en premier. Je le vois au coin de la rue, les mains aux hanches l'air concentré sur les gestes vagues d'un homme impressionnant. Il revient, remonte dans l'auto et indique une direction que nous suivons un temps avant de la perdre et nous avec, de nouveau. C'est mon tour, je descend, j'approche une femme et une poussette et une fillette de 5 ans qui marche devant. J'appelle «madam!», elle se retourne, la petite fille derrière elle toute allumée de curiosité. Je demande mon chemin, elle se frotte la tête. Elle a peut-être quarante ans, l'air habile de celle qui navigue au milieu de tout cela. Elle regarde dans toutes les directions. L'enfant sautille le regard qui glisse sur moi indifférent, sa mère lui fait signe de se taire, elle se concentre. Je la regarde, je ne la connais pas, elle m'inspire confiance. Je l'ai arrêtée juste avant qu'elle n'arrive au dépanneur du coin, peut-être acheter du lait ou de la bière et un ticket de loto. Finalement, elle m'explique le parcours, le plus direct. Elle est très précise, vérifie à chaque étape que je la suis et récapitule à la fin. Je la quitte à reculons, elle lève deux pouces victorieux vers le ciel béni d'Amérique.