Il me semble que c’est un jeu de patience, de patience et de dénuement.
Des morceaux d’os blanchis qu’on fait sauter dans ses mains en attendant le lendemain.

19 août 2008

Les lunettes

Quand nous roulons et que le soleil est fort, nous coinçons dans les vitres arrières des draps qui protègent les enfants. En général nous n'obstruons qu'un seul côté à la fois. Ce jour là, celui du départ et de la longue route, le soleil est très fort et brûle de partout, nous accrochons donc deux draps, un à gauche, l'autre à droite. Au stop, je vois bien que je ne vois pas, mais comme j'ai fait gauche-droite avec ma tête, je me sens autorisée à démarrer. Nous sommes partis, je me dis, on doit pouvoir faire avec les angles morts rendus aveugles. Je démarre et mes passagers aussi par la force des choses. Je vois mon mari se ratatiner sur son siège en regardant par la fenêtre et dans le rétroviseur soudain très proche une voiture qui n'y était pas. Mon mari dit sa peur et me regarde, sa confiance ébranlée. J'essaie d'afficher un profil concentré qui puisse convaincre. Mon fils m'appelle. Je veux dire que je ne peux pas mais du coin de l'œil je vois : il me tend de l'arrière gentiment mais fermement mes grosses lunettes rouges.